Hachen Engineering SARL

Une gestion des opérations pragmatique, simple et efficace

Page 2 of 2

Optimisation des paramètres de gestion avec la méthode « Configuration ABC »

L’avantage des ERP modernes est qu’il n’existe en principe pas de limite de nombre et de complexité des produits gérés. Dans un marché, qui demande des produits de plus en plus complexes avec des durées de vie de plus en plus courtes (the new normal), il est fréquent de retrouver des systèmes qui doivent gérer plus que 10’000 articles (produits finis, sous-ensembles, matière première, etc.). Si on compte pour chaque article au moins trois à cinq variables de gestion à définir (tailles de lot, stocks de sécurité, stratégie de production, etc.), on obtient facilement un nombre de plus de 50’000 paramètres de gestion à gérer et à optimiser. En fonction de la variabilité de l’environnement de production et des ressources à disposition, cette tâche peut s’avérer très difficile à réaliser.

L’idée de base du concept de la configuration ABC est de fournir des règles, qui permettent de définir à partir de la classification multicritères ABC une configuration « optimale » des paramètres de gestion (ordre de grandeur).

Concept

Le concept de la configuration ABC est basé sur la classification multicritères ABC, qui permet de classifier chaque article en fonction de plusieurs critères comme le niveau et la régularité de la demande, le cycle de vie du produit et la typologie du produit. En fonction de l’environnement de production, d’autres critères peuvent être ajoutés comme la complexité des opérations ou la durée de conservation maximale. Il est encore à noter qu’une classification multicritère ABC peut être composée de classifications quantitatives (mesure du volume et de la variabilité) comme de mesures qualitatives (cycle de vie). A partir de la classification multicritère ABC de chaque article, des règles sont définies pour les paramètres de gestion taille de lot, stock de sécurité et mode de gestion des flux. Les valeurs obtenues ainsi ne correspondent pas forcément à des valeurs optimales (d’un point de vue mathématique), mais plutôt à des ordres de grandeurs corrects.

Concept de la méthode Configuration ABC
Concept de la méthode Configuration ABC

Classification ABC-XYZ

La classification ABC-XYZ est essentielle pour déterminer le volume et la régularité de la demande. Elle est basée sur la classification ABC (analyse Pareto) et la mesure de la régularité de la demande à l’aide du coefficient de la régularité CV (= écart-type/moyenne de la demande). Pour la classification ABC, les valeurs typiques pour les volumes cumulées sont de 80% (classe A), 15% (classe B) et 5% (classe C). Pour la mesure de la variabilité de la demande, les valeurs typiques pour le coefficient de variabilité CV sont de < 0.8 (classe X), 0.8 … 1.2 (classe Y) et > 1.2 (classe Z). La mesure du CV est en générale basé sur les ventes ou consommations mensuelles des derniers 6 à 12 mois.

A partir de la classification ABC-XYZ, des règles sont définies pour les tailles de lot, le stock de sécurité et le choix du mode de gestion des flux. La taille de lot et le stock de sécurité sont calculés à partir de la demande moyenne pendent le délai de réapprovisionnement DMR. Dans un scénario idéal (demande et délai de réapprovisionnement stables), la taille de lot correspond exactement à la valeur de DMR. Il est maintenant possible de définir les formules suivantes pour la taille de lot et le stock de sécurité :

Taille de lot = fvar x DMR

Stock de sécurité = fsec x DMR avec (niveau moyen):

Classe XYZ X Y Z
fvar (moyen) 1.5 3 6
Classe ABC A B C
fsec (moyen) 1.0 0.5 0.2

Les livraisons des articles A sont donc sécurisées à l’aide de stocks de sécurité plus élevées, et l’absorption des pics de demande est assuré pour les articles Z via des tailles de los plus élevées. Les valeurs choisies pour fvar et fsec sont des estimations de base, qui peuvent varier en fonction de l’environnement de production, et de la typologie de produit.

Concernant le choix du mode de gestion des flux, le flux tiré et la production répétitive sont conseillés pour des articles avec une demande stable (articles X).

Classification ABC-XYZ
Classification ABC-XYZ

Cycle de vie de produits

Le cycle de vie de produits a un impact significatif sur le choix des paramètres de gestion surtout au début et à la fin du cycle de vie. Au début du cycle de vie de produits il est en général essentiel d’assurer leurs disponibilités pour la campagne de lancement du nouveau produit (Lancement à Croissance). Le choix typique pour ce stade est la fabrication sur stock et l’établissement d’un certain niveau de sécurité. A la fin du cycle de vie de produits, il est en général important d’éviter le risque d’obsolescence (Déclin à Annulation). Le choix typique est la fabrication à la commande et la mise à zéro des stocks de sécurité éventuels. Pendent le cycle de vie Maturité, le choix des paramètres de gestion est fait en fonction de la classification ABC-XYZ.

Cycle de vie du produit simplifié
Cycle de vie du produit simplifié

Typologie des produits

L’emplacement des stocks (de sécurité) dans la chaîne logistique dépend de plusieurs facteurs comme la stratégie de production choisie, la criticité d’un composant et/ou la fiabilité d’un processus. Cependant d’un point de vue général, il est souvent préférable d’avoir des stocks (de sécurité) plutôt au niveau de la matière première qu’au niveau de produits finis. Un manque de disponibilité au niveau de la matière première (ou composants de base) peut stopper l’ensemble des opérations, tandis qu’une rupture au niveau des produits finis peut correspondre juste à une interruption momentanée des livraisons.

Pour l’approvisionnement de la matière première, un plus haut niveau des paramètres fvar et fsec peut être choisi que pour la fabrication des produits finis. Les tabelles suivantes montrent des choix possibles pour les paramètres fvar et fsec (niveaux faible et élevé).5

Classe XYZ X Y Z
fvar (moyen) 1.2 2.0 4.0
Classe ABC A B C
fsec (moyen) 0.5 0.2 0.0
Classe XYZ X Y Z
fvar (élevé) 1.5 3.0 6.0
Classe ABC B C
fsec (élevé) 1.5 1.0 0.5
Choix des paramètres fvar et fsec en fonction de la topologie du produit
Choix des paramètres fvar et fsec en fonction de la topologie du produit

Application

La tabelle suivante montre un exemple typique pour le choix des variables en fonction du cycle de vie de produits et la typologie du produit :

Typologie Cycle de vie: Croissance Cycle de vie: Maturité Cycle de vie: Déclin
Matière première Fabrication sur stock, selon plan de lancement de productionj Classification ABC-XYZ, fvar et fsec élevés Fabrication à la commande, stocks de sécurité = 0
Sous-assemblages Classification ABC-XYZ, fvar et fsec moyens
Produits finis Classification ABC-XYZ, fvar et fsec faibles

A partir du calcul des paramètres de gestion « optimale », il est ensuite possible de juger la criticité via des ratios entre les valeurs actuelles et optimales. Pour identifier les articles les plus critiques, il est conseillé de trier les ratios les plus élevés en fonction de la couverture du stock (trop élevée ou trop faible).

Résumé

La configuration ABC est un outil d’aide à la décision, qui permet de vérifier le paramétrage d’un grand nombre d’articles. Il permet d’identifier rapidement des articles critiques avec des couvertures de stock trop élevées ou trop faibles (manque de disponibilité fréquente) à cause de tailles de lot et/ou stocks de sécurité trop élevées ou trop faibles. La configuration ABC permet également d’identifier les articles, qui peuvent être gérés avec la méthode Kanban (flux tiré) et/ou via une production répétitive (grands volumes de production de produits standards, selon un programme de production cadencé).

La méthode Lean

La méthode Lean est originaire du Japon (Toyota Production System) et correspond à un standard dans le domaine de l’optimisation de processus de production. Il existe un nombre innombrable de publications sur ce sujet, car il s’agit d’une approche générale, qui peut être appliquée dans un grand domaine d’organisations et d’entreprises (Lean Thinking, Lean Healthcare, Lean Administration, etc.).

Le but de cet article est donc donner juste un aperçu de la méthode Lean en se focalisant sur son application en gestion des opérations.

Concept de base

Le concept de base du Lean est très simple, car tous les concepts et outils tournent autour la question de savoir comment des activités sans valeur ajoutée pour le client peuvent être supprimées. Selon la méthode Lean, il existe sept gaspillages (= muda en japonais) :

  • Surproduction : La surproduction correspond à la production, qui ne correspond pas aux besoins des clients. C’est le gaspillage le plus critique, car il affecte l’ensemble des processus ;
  • Stocks inutiles : Un autre gaspillage critique est le stock, qui n’est pas utilisé (couverture élevée) ;
  • Transports : Les transports correspondent aux déplacements des produits entre les sites de production, la sous-traitance et les fournisseurs éloignés ;
  • Déplacements : Les déplacements correspondent aux mouvements inutiles des produits entre les processus. Souvent, ces déplacements peuvent provoquer des problèmes d’ergonomie.
  • Temps d’attente : Les temps d’attente correspondent aux attentes en amont d’un processus. En général, ces attentes sont provoquées par un manque de synchronisation entre les différentes processus et organisations.
  • Défauts : Les défauts correspondent à tous les activités et produits, qui ne correspondent pas aux spécifications. Ces défauts sont un perturbateur important pour le flux de production.
  • Surtraitement : Le surtraitement correspond à des processus trop complexes, qui sont difficiles à maîtriser. Ces processus peuvent aussi produire de la surqualité, qui peut augmenter les prix des produits d’une manière inutile.

L’idée géniale du Lean est d’augmenter la performance via une suppression des gaspillages, et non pas via une augmentation des capacités. Le but de la production sans gaspillages est obtenu via le flux de production unitaire (ou production cellulaire) qui permet de réaliser une production parfaitement synchronisée.

Concept de la méthode Lean
Concept de la méthode Lean

Outils

Les outils Lean sont des méthodologies, qui permettent de supprimer les gaspillages dans les différentes activités d’un processus de production (maintenance, mise en train, régulation des flux, etc.)

5S

Le 5S est l’outil fondamental de la méthode Lean et correspond aux 5 verbes d’action japonais Seiri (=séparer l’inutile de l’utile), Seiton (=mettre de l’ordre), Seiso (=maintenir un bon niveau de propreté), Seiketsu (=standardiser) et Shitsuku (=pérenniser et améliorer). Le 5S est souvent la première méthode Lean mise en place, car la méthode Lean ne peut seulement fonctionner que dans un environnement de production propre, ordré et sûr.

TPM

Le TPM (=Total Productive Maintenance = maintenance pour une productivité totale) est une méthodologie, qui permet d’augmenter l’efficience des moyens de production. Les idées de base de cette méthode sont 1) l’application de la méthode 5S à la machine (équipement en parfait état), 2) la visualisation de l’état de fonctionnement de l’équipement pour une détection rapide de dysfonctionnements, 3) l’implication de « tout le monde » dans la maintenance et 4) le suivi de la performance de l’équipement à l’aide du TRS (taux de rendement synthétique = rapport entre temps utile et temps de fonctionnement total).

SMED

Le SMED (=Single Minute Exchange of Dies = réduction du temps de changement de série) est une méthodologie, qui permet de réduire d’une manière significative les temps de changement de série. Elle est basée sur l’idée qu’une partie du changement de série peut être réalisée avant l’arrêt de la machine (en temps masqué).

Kanban

La méthode Kanban (Kanban = étiquette en japonais) permet de réguler d’une manière visuelle les flux de production, les mises en fabrication ne sont donc seulement pilotées par des consommations réelles des produits finis. Cette méthode est essentielle pour éviter la surproduction, et elle améliore la synchronisation entre les fournisseurs et le client d’une manière significative.

Poka-Yoke

Le Poka-Yoke correspond à une méthodologie, qui permet de détecter (facilement) des défauts de production. Les défauts de production correspondent à des perturbations critiques des flux de production et il est essentiel qu’ils soient détectés aussi rapidement que possible. Le Poka-Yoke peut être réalisé à l’aide de moyens simples (détrompeurs) ou des moyens plus sophistiqués (capteurs électroniques).

DFMA

Des réelles améliorations dans les processus de production ne sont souvent seulement réalisables qu’en appliquant le DFMA (=Design for Manufacturing and Assembly). Le DFMA a pour but d’améliorer la construction des produits avec l’objectif de simplifier le processus de production. Les solutions typiques sont la standardisation des composants et sous-ensembles, la réduction du nombre de composants (modularisation) et la différenciation retardée (late customization) des produits.

Méthodes d’analyse

L’analyse du système de production est une activité essentielle avant la mise en place d’actions Lean.

VSM

Le VSM (=Value Stream Mapping = cartographie de la chaîne de valeur) est un outil visuel, qui permet de cartographier les flux de production ensemble avec les informations essentielles sur les gaspillages (temps d’attente, stocks, transports, rapport activités à valeur ajoutée/activités sans valeur ajoutée, etc.). Le VSM est indispensable pour la définition d’un plan d’implémentation des solutions Lean en tenant compte de l’ensemble du système de production.

Gemba walk

Le Gemba walk correspond à l’analyse des activités du « terrain », en suivant une certaine démarche structurée. L’idée de base de cette méthodologie est que les vraies solutions ne peuvent seulement être trouvés en observant les processus sur place, ensemble avec le personnel concerné (être proche du terrain). L’objectif du Gemba Walk est donc de faire vivre le processus d’amélioration continue en organisant des audits sur un certain sujet et en impliquant tous les acteurs concernés.

Mise en œuvre

La méthode Lean est simple, mais sa mise en place ne l’est pas. Beaucoup de processus d’entreprise doivent être repensés, et le management du changement devient crucial. De ce point de vue, la méthode Lean est mise en œuvre en général dans le cadre d’un processus d’amélioration continue car une démarche graduelle permet en général d’obtenir des meilleurs résultats durables qu’une approche disruptive.

Kaizen

Un Kaizen (=amélioration en japonais) est une action, qui introduit des solutions Lean en évitant des investissements importants, en impliquant tous les acteurs concernés et en utilisant le « bon sens commun ». Une action Kaizen (chantier Kaizen), qui dure normalement entre 3 et 5 jours, comporte les actions suivantes :

  • Création équipe : Création d’une équipe de 5 à 8 personnes, qui représentent toutes les fonctions concernées (production, qualité, planification, logistique, finance, etc.). L’équipe du Kaizen est en général créée quelques semaines avant la réalisation du Kaizen ;
  • Analyse de l’état actuel (jour 1) : Analyse des indicateurs logistiques et de qualité, analyse des gaspillage, audits 5S, etc. ;
  • Recherche de solutions (jour 1) : Recherche d’au moins 2 à 6 solutions ;
  • Choix des solutions (jour 2) : Choix collectif des solutions en fonction de leur faisabilité et de leur impact ;
  • Validation des solutions (jour 2) : La solution choisie est validée en faisant des simulations ;
  • Mise en œuvre des solutions (jours 3 et 4) : Implémentation des solutions ;
  • Evaluation des améliorations (jours 3 et 4) : Mesure de l’impact des solutions par rapport à l’état initial ;
  • Réaliser plan d’action (jour 4) : Réalisation d’un plan d’action pour traiter les points encore ouverts.

Résumé

La méthode Lean est LE standard pour l’optimisation d’organisations industrielles. Des améliorations peuvent être obtenues en appliquant seulement quelques concepts et outils de base. Cependant, des améliorations significatives ne peuvent seulement être atteintes en impliquant l’ensemble de l’organisation dans un processus de changement long et complexe.

Matériel supplémentaire

Résumé de la méthode Lean (en anglais): Cheat-Sheet-Lean-Manufacturing-EN.pdf

Références

  • George M. L., J. Maxey, D. Rowlands et M. Price. 2004. The Lean Six Sigma Toolbook: A Quick Reference Guide to 100 Tools for Improving Quality and Speed. McGraw-Hill, New York (en anglais)
  • Robinson A. 1990. Modern Approaches to Manufacturing Improvement – The Shingo System. Productivity Press, Portland (en anglais)
  • Shimizu, K. 1999. Le toyotisme. La Découverte, Paris
  • Takeda H. 2006. The synchronized production system. Kogan Page, London (en anglais)
Newer posts »